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Γνῶθι σεαυτόν

Yves Bonnefoy

Know thyself
La Présence

Bonnefoy est considéré comme un « poète du lieu et de la présence », aux côtés d'André du Bouchet et Philippe Jaccottet, entre autres. La Présence est, selon lui, l'expérience immédiate, pure et unie du monde, telle celle qu'a l'enfant, qui n'est pas encore corrompu par le langage (infans, en latin, signifie qui ne parle pas). En effet, Yves Bonnefoy combat le concept et l'abstraction qui séparent selon lui les hommes de la réalité et du sensible. Il s'oppose à Platon et à sa théorie du monde des Idées: « les choses d'ici [pèsent] plus lourd dans la tête de l'homme que les parfaites Idées » en posant la théorie que le concept est un obstacle qui nous empêche de voir le vrai visage de l'être. Les mots et le langage utilisant le concept et brisant l'unité de notre perception du monde, ils trahissent ce qu'ils sont censés exprimer : Bonnefoy les considère ainsi comme des « leurres », des « mensonges ». « Le langage est notre chute, et c'est son emploi même qui est la cause de l'angoisse, c'est-à-dire aussi bien de la violence, qui traverse l'histoire humaine ». La poésie permet selon lui de renoncer à notre rationalité habituelle et au concept, elle seule peut donc nous rapprocher et nous faire entrevoir la Présence. L'ambiguïté de la thèse du poète est que la poésie elle-même est bâtie sur les mots. Peut-être s'agit-il ainsi uniquement de « l'illusoire encore / Dont nous redessinons sous d'autres traits / Mais irisés du même éclat trompeur / La forme et les ombres qui se resserrent? », peut-être la poésie ne permet-elle pas de reconquérir la présence. Bonnefoy admet cette hypothèse dans son recueil Les planches courbes, où il apparaît clairement que, s'il doute du pouvoir de sa poésie, il porte en celle-ci une grande espérance. Il écrit en 1959, « Je voudrais réunir, je voudrais identifier presque, la poésie et l'espoir », car écrire de la poésie, c'est « rendre le monde au visage de sa présence ».


Le style


Que la poésie se prête au rôle de faire accéder le lecteur au « seuil de la Présence » suppose des conditions. Le nom commun, trop général et conceptuel, est un obstacle à la présence. Pour éviter le leurre des mots, il faut que ceux-ci soient utilisés en poésie à la manière des noms propres ou même comme des prénoms. Le poète utilise soit des vers libres, soit la forme du poème en prose - à différencier de la prose poétique - qu'il désigne sous le nom spécifique de « récit en rêve ». On remarque, entre autres, des alexandrins non classiques et des hendécasyllabes, et une abondance d'enjambements, de rejets et de contre-rejets. Bonnefoy utilise peu la rime et recherche plutôt des assonances, des allitérations, une musicalité des mots. Il porte un grand intérêt au rythme de ses poèmes dont certains peuvent être considérés comme proches de l'iambe. Pour lui, « les relations de sonorités, de rythmes, rapprochent les mots d'une façon qui préserve [...] leur qualité matérielle [et] les rapports qui procédaient du concept s'effacent ». L'influence surréaliste donne aux poèmes de Bonnefoy une syntaxe peu classique, caractérisée par de nombreuses ellipses et inversions. On peut aussi remarquer l'utilisation de la parenthèse, qui encadre parfois plusieurs strophes ou la plus grande partie du poème. La plupart des poèmes sont courts ou assez courts. Tous ces éléments contribuent au sentiment de présence: le poème est « Hic et Nunc », ici et maintenant...
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